NIFFF 2011
Les portes de l’Helvétie profonde et francophone se sont une nouvelle fois ouverte pour accueillir les 25000 spectateurs qui se sont pressés a la 11eme édition du film fantastique de Neuchâtel. Et comme chaque année c’est moi, votre serviteur, qui vais vous narrer ces jours de grandes aventures. Le festival rencontrant un succès grandissant, sa période a été rallongé a 9 jours et de nouvelles sélections se sont vu rajoutées. J’ai donc décidé de chroniquer non pas par catégories mais par genres et continents avant de passer à la section rétrospective, en vue d’une meilleur lisibilité. Commençons, avant de passer a la chronique des différentes sélections, par le film d’ouverture, Hideaways, réalisé par Agnès Merlet. Après un excellent Dorothy, Merlet revient avec une œuvre qui est tout à la fois une déception et une confirmation. Déception car après une introduction brillamment mené, drôle et tragique, Hideaways s’embourbe dans une bluette inintéressante, faute au perso principal, niais et pas crédible une seule seconde, sur fond d’histoire d’ado doté du pouvoir de donner vie et mort. Confirmation car Merlet filme avec une élégance rare, arrive malgré une histoire bancal a créer des images prenantes par leur contenu poétique et leurs beautés. Malgré les défauts d’Hideaways, Agnès Merlet est un auteur a suivre, en espérant que ces prochaines œuvres soient plus solides que celle-ci.
Sélection Fantastique.
Bâtit sur un postulat étrange et prometteur Saint, le nouveau film de Dick Maas, est une déception. Hommage au cinéma de Carpenter (avec en ligne de mire Halloween dans un premier temps, puis Fog) Saint peine a installer quoique ce soit de vraiment consistant. D’abord slasher puis film de fantômes, se définissant comme un mélange horrifico/humoristique tablant sur les sanglantes exactions de son boogeyman et de sa clique de fantômes, autant que sur ces seconds rôles, conçu comme drôles, et assortit d’un design mettant en avant son artificialité, Saint échoue sur tout les plans. Dick Maas peine a rendre vivant des personnages archi caricaturaux et des situations milles fois vu ailleurs. De plus l’originalité de son pitch (St Nicolas est une grosse ordure morte vivante surgissant tout les 30 ans afin prendre sa revanche sur les vivants) n’est jamais vraiment exploité, la mythologie crée pour l’occasion jamais développée. L’aspect horrifique est constamment désamorcé par l’incapacité de Maas a donner une vraie dimension a ces revenants et par des situations comiques a l’humour pâteux, totalement dénués d’une quelconque dynamique, se reposant uniquement sur leurs contenus. Se voulant teigneux, méchants, irrévérencieux Saint n’est qu’un gros pétard mouillé de plus, mais qui se laisse malgré tout regarder sans ennuie grâce a quelques scènes plutôt bien torchés (la poursuite sur les toits est vraiment bien) et une chouette facture visuelle.
Road movie situé dans un monde post apocalyptique ravagé par des hordes d’intégristes religieux et de vampires, Stake Land aurait pu être intéressant si son jeune réalisateur n’avait pas bridé son métrage par un propos insignifiant sur l’Amérique profonde et ces démons. On ne met pas longtemps a comprendre que les vampires sont assez secondaires, que ce qui intéresse vraiment Jim Mickle c’est la peinture d’un petit groupe de survivant, en quête d’un endroit nommé New Heaven, terre promise semi légendaire ou un groupe d’humains aurait commencés a reconstruire la civilisation, en proie a une bande d’illuminés évidement plus dangereux que les vampires eux même. Platement shouté, Stake Land ne propose rien de plus que ce qui est montré dans la première demi heure. Confondant souvent rythme lancinant et ambiance atmosphérique avec ennui, phagocyté par une écriture très aléatoire (les personnages secondaires apparaissent et disparaissent, pour laisser place a d’autres, les héros passent d’une communauté a une autre, etc) pour ne pas dire médiocre dans sa dernières partie, Stake Land souffre a l’évidence d’un budget insuffisant, d’un manque de consistance du développement des sujets abordés et surtout du manque d’expérience (ou de talent) de son réalisateur, en regard de l’ambition du projet. Le scénario passe son temps a semer des pistes ou éléments qui ne seront que très peu, voir pas du tout, exploités par la suite, d’autant que jamais Stake Land ne fait ressentir l’odeur de fin d’un monde propre a ce genre de film, ou a vraiment faire exister ces protagonistes. Plus proche de The Postman que de The Road, Stake Land n’est pas un mauvais film, juste une regardable et insignifiante pellicule qui ne marquera pas les esprits.
Très gros buzz du moment, Troll Hunter est aussi enthousiasmant que réellement frustrant. Enthousiasmant parce que, pour une fois, le fantastique emprunte un voix très rarement parcouru, et surtout parce qu’il en développe avec pertinence les différents aspects. Parcourt d’une bande de journalistes collés au basque de ce qu’ils pensent être un fantaisiste plaisantin, ils se rendront très rapidement compte que l’homme est bien ce qu’il prétend être, un chasseur de Trolls dans la Norvège moderne. Ils existent et leurs tailles n’a d’égale que leurs férocités. Emballé sur un mode tragi-comique, Troll Hunter doit énormément au charisme de son personnage principale, professionnel blasé et fatigué par des décennies de lutte qui ne semble jamais être pris au dépourvu, même devant un Troll haut d’une centaines de mètres, et d’excellents effets spéciaux matérialisant des Trolls, en tout point fidèles a l’imagerie populaire scandinave. Les scènes les mettant en œuvres sont clairement les meilleurs du film, d’autant que les auteurs du film ont décidés de visualiser un panel varié de monstres a chaque combats, eux même assez différents les uns des autres, évitant ainsi l’écueil de la redite qui aurait facilement pu s’installer au vu du pitch. Mais ce qui fâche vraiment, c’est que Troll Hunter est un énième avatar de la mode du found foutage (REC, Cloverfield, Blair Witch Project). Principe de mise en scène « discount » très utilisé ces derniers temps, le ff ampute d’une partie non négligeable Troll Hunter de son potentiel. S’il peut se justifier dans quelques scènes (l’antre des trolls où sont coincés nos héros ou la traque dans la forêt) les tics propres au genre fatiguent plus qu’il n’immergent dans le récit (cette passion qu’on les caméramans de poser leurs outils de travail par terre ou de cadrer leurs pompes). D’autant que l’on se retrouve privés des grandioses paysages norvégiens, le cadre pourtant idéal a la visualisation des créatures née de l’imagination fertile des peuples qui y ont habités. Vraiment dommage que les auteurs n’est pas voulu (où pu) opter pour un projet de mise en scène plus classique, d’autant que la dernière scène, shouté d’une manière presque « normal », contient des plans parmi les plus impressionnants que le cinéma fantastique nous a offert ces dernières années, et c’est a ce moment que l’on sent poindre la frustration de ce qu’aurait pu être Troll Hunter.

Grave Encounter et La Traque: dans l'enfer du bourbier au pays de la daube !
Autre found foutage présenté, Grave Encounter touche le fond du panier, pardon, du caniveau a clodos dont il n’aurait jamais dû sortir. Réalisé par les Vicious Brothers, GE se voudrait un pastiche du genre, un truc défini par ces « auteurs » comme drôle, impertinent et terrifiant et qui fini, avant tout, par devenir la daube du festival. Mis a part le faux voyant, dont la première apparition est vraiment hilarante, GE n’est qu’une galerie de personnages tous plus cons et détestables les uns que les autres, encore une fois un entassement de situations mille fois vu ailleurs en largement mieux (pour ceux que ça intéresse, GE entretiens plus qu’une filiation avec le très chouette La Maison de l’Horreur de William Malone). Avec un scénario a bout de souffle en a peine plus d’une trentaine de minutes, Grave Encounter cumule les tares pour en devenir suffocant de nullité dans ces dernières minutes. Parce qu’a force de vouloir jouer aux gros malins et a planquer son manque d’imagination derrière un vague alibi semi-parodique, les Vicious Bros tournent a vide et ne font que répéter les erreurs des films du même genre, avec comme bonus pour le spectateur la désagréable impression de se faire chier à la gueule par deux cons suffisants. A bien y penser, GE est certainement le pire film du genre. Difficile de comprendre comment et pourquoi certains sites ont cru voir des qualités a La Traque, autrement appelé Proie, nouveau représentant du ciné de genre horrifique franchouillard. Ce n’est pas tant par son discourt écolo bas du front que le film d’Antoine Blossier se vautre mais bien dans sa triste incompétence a créer une quelconque tension dramatique. Se voulant angoissant et horrifique, La Traque est aussi plat qu’une tranche de jambon fumé Auchan, Blossier n’arrivant pas une seule seconde a nous faire croire ou ressentir la présence de ces gros sangliers mutants. Pas aidé par des personnages caricaturaux déchirés par des conflits dont on se fout comme de sa première dent de lait, La Traque est inintéressant au possible et aussi captivant qu’une redif de Chasse et Pêche a 3h du mat. Honnêtement j’ai rien a en dire de plus si ce n’est que malgré la brouette de casseroles qu’il se traine, je ne m’y suis pas trop emmerdé, les deux seuls qualités que l’on pourrait, à la rigueur, lui trouver ce sont justement sa durée (1h20) et une introduction laissé à sa plus simple expression.
Sélection « Autres Genres ».
Consacrée aux films non fantastiques donc, je passe assez rapidement sur We need to talk about Kevin et Wasted on the young, deux chroniques dramatiques narrant pour l’un le parcourt du calvaire d’une mère face a la monstruosité de son fils et l’autre les conséquences d’un viol commit dans le milieu de la jeunesse doré australienne. Les deux ont en communs de planquer leurs manque total de contenance de propos, se résumant très souvent a de simples entassements de clichés (les amateurs d’enfance maléfique, de parents débiles ou absents et de jeunes bourgeois corrompus seront s’en satisfaire), derrière toute une brouette d’effets de style pompeux. Le vide complet. Autrement plus intéressant, Super fut une belle surprise. Vendu comme une œuvre surfant sur la vague post Kick Ass, le dernier pruneau de James Gunn (l’excellent Slither) n’est pas un film de super héros mais un drame racontant, avec comme toile de fond un phénomène aussi ridicule qu’inquiétant qui semble s’étendre aux USA, la chute d’un loser dans une spirale de folie sanguinaire sur fond de trip mystiquo-religieux et de solitude affective.
Raconté sur un mode comique a l’humour noir dévastateur, Super est un pilonnage en règle de toute forme de bon goût, n’épargnant aucune formes d’humiliations a son (anti) héros, l’enfonçant dans son rôle de freak pathétique, égocentrique et dangereusement immature avec une énergie et un sadisme jubilatoire. Mais sous sa drôlerie apparente, Super est également le portrait d’une Amérique ou toute formes d’autorités et de modèles semblent absentes, hormis ceux présentés par les héros kitchos d’un comics religieux intégriste, ou seule règne la loi du plus fort, un endroit laissant place à la folie aliénante d’un illuminé antipathique, entrainant avec lui une jeune fille, elle même légèrement atteinte du bulbe. La réalisation n’a en elle même rien de fondamentalement génial mais fait le job, le montage très dynamique assure a l’ensemble un rythme soutenu, mais c’est surtout le casting qui fait la différence. Kevin Bacon très bien en dealer minable, Liv Tyler assure en potiche cocaïnée mais ce sont les premiers rôles qui arrache tout. Rainn Wilson, énorme en vigilant sociopathe, a la fois touchant dans sa détresse et inquiétant par sa folle détermination et Ellen Page, affolante dans le rôle d’une post edo surchauffée, sans repaire, et prête a tout pour suivre son « héros » sur le chemin de la justice par l’ultra violence. Vraiment très bien et sans aucun doute un des meilleurs films du festival !
Très grand fan d’Alex de la Iglésia, j’avoue avoir eu du mal avec Balada Triste de Tropeta. Si l’on devine que le propos de base se formule sur une allégorie de l’influence néfaste de l’époque Franquiste sur cette période de l’histoire espagnole (les clowns font pas rires, provoquent des catastrophes et deviennent de véritables monstres pour l’amour d’une belle), j’ai vraiment eu beaucoup de mal a faire le rapport entre le discourt et sa démonstration. Si BTdlT commence et fini par deux scènes d’anthologie, le reste pose un vrai problème de compréhension et, c’est une première chez De la Iglèsia, de rythme. La deuxième partie n’est qu’une suite de scènes pas forcément lié entres elle (le signification et le pourquoi de la scène dans la forêt restent assez brumeuse) et le parcourt de Javier, du gros timide en machine a tuer, reste assez invraisemblable.
Ce n’est pas tant la démesure grotesque, dont est coutumier De la Iglèsia, qui pose problème mais plutôt que la mécanique jusqu’ici parfaitement huilé du trublion hellène semble tourner a vide. Et il n’est pas improbable de penser que l’absence de Jorge Guerricaechevarría, complice de toujours au scénario, y soit pour quelques chose, car l’ensemble respire le vide d’un discourt véritable et enquille avec férocité des scènes toutes plus incohérentes les unes que les autres, là ou justement les précédentes œuvres du duo affichaient une imparable cohésion entre récits et discours sociaux. Le contrecoup de ces faiblesses est que BTdlT est l’œuvre la plus sombre, la plus violente et celle ou les tendances de De la Iglèsia au surréalisme sont le plus marqués. Pas vraiment drôle et totalement désespéré, BTdlT se pare d’une dimension cauchemardesque, suffocante ou le suicide semble la seul libération. Mais malgré ces défauts BTdlT, grâce a quelques magnifiques scènes dû a la maestria visuel de son auteur et a une direction d’acteurs jamais pris en défaut, reste largement au dessus du tout venant mais fait craindre que De la Iglèsia est finalement emprunté la voix de la déchéance du trône de petit génie du cinéma européen.
Autre gros Buzz du moment et se voulant un hommage au ciné d’exploit’, a l’instar de toute la vague récente d’œuvres estampillées Grindhouse, Hobo with a Shotgun se pose plus comme un Troma en scope pété de tunes qu’autres choses. Empruntant sa structure narrative, sa description d’un monde totalement corrompu et une galerie de personnages ignobles au western italien le plus déviant, Hobo, malgré une intrigue convenue, avait tout pour être un sympathique petit film étalant avec fierté un étalage de vulgarité assez typique de la firme de Lloyd Kaufman. Porté par une évidente volonté de bien faire, Jason Eisener enquille des scènes violentes plutôt bien, voir très bien emballées et jamais avares en détails gore. C’était d’autant bien parti que le jeune réalisateur va généralement au bout de son propos (les bad guys sont d’irrécupérables sadiques toujours prompt a démontrer leurs savoir faire dans l’art de faire souffrir leurs prochains), fait preuve de quelques bonnes idées (The Plague : le duo de tueurs a gages en armure, aux méthodes pour le moins originales), le tout étant nimbé d’une photo appropriée, que l’on doit a Karim Hussein, aux couleurs saturées et baveuses très 80’s, volontairement dégueulasse et de fort belle allure. Le hic c’est qu’Hobo se plante dans les grandes largeurs faute a une écriture des dialogues catastrophiques, le métrage n’est qu’une succession de punch lines toutes plus pourraves les unes que les autres et le casting est à la mesure de la débandade ; un chapelet de têtes a claques rendant la plupart des scènes difficilement regardables, au dessus desquels trône Rutger Hauer, le regard perdu, hagard, se questionnant en son âme et conscience s’il est vraiment raisonnable de tout faire pour payer ces impôts. Dommage, le potentiel était là ! !
Les Nuits rouges du Bourreau de Jade a quasiment fait l’unanimité contre lui. Pas d’histoires, personnages creux et déficit d’enjeux dramatiques… Et il est simplement impossible d’entrer en contradiction avec ces arguments qui résument les gros problèmes narratifs que n’ont pas su éviter Julien Carbon et laurent Courtiaud. Histoire évasive d’une femme obsédée par les plaisirs de la souffrance, en quête du Graal des tortionnaires, une potion mortelle démultipliant les sensations de ceux qui l’ingère, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade n’existe que par et pour l’image. Suite de tableaux souvent très beaux brassant esthétique et sadisme, l’intrigue n’y est que secondaire et brumeuse. Qui se souci vraiment du sort de Frédérique Bel, balloté dans une sous intrigue d’espionnage a peine évoqué, passant son temps a errer d’un endroit a un autre et complètement oubliée par une quelconque caractérisation, écrasée par la charismatique beauté de la vénéneuse Carrie Ng. Tout juste pourrait on presque y voir l’ébauche d’un propos sur l’Occident se noyant dans les impénétrables mystères d’une Chine inaccessible, que l’espionne incarnée par Frédérique Bel disparait.
C’est d’ailleurs par son personnage que l’on comprends vraiment ce qu’est Les Nuits Rouges, une projection des fantasmes cinéphiliques de Carbon & Courtiaud, Bel est affublée un impair identique a celui d’Alain Delon dans Le Samouraï et du même mauser a crosse de Trintignant dans Le Grand Silence. Des références qui n’ont pas d’autres but que d’être visualisés, faisant du métrage un projet vide d’un quelconque propos, hormis celui de l’hommage a tout un pan de la cinématographie de genre des 60/70’s, ou se croisent les fantômes de la Shaw, du Vidéodrome de David Cronenberg, du ciné HK des 80’s ou du genre français. Mais sous ces apparences « asiatiques », Les Nuits Rouges fait ressortir, par le billet d’une photo aux couleurs flamboyantes et des scènes de sadisme sophistiquées, d’évidentes influences italiennes, en particulier celle de Mario Bava dont le duo essai de retrouver l’étrange alchimie. Les Nuits Rouges n’est pas un vrai film, juste un pur objet de fétichisme pictural… Que l’on peut apprécier comme tel ou non !
Récit historique racontant le combat d’une troupe de guerriers et de nobles pendant le siège d’un château par les forces du Roi Jean, en route pour la reconquête d’un trône qui lui a échappé et l’abolition de la Magna Carta, Iron Clad fût lui aussi une très bonne surprise. Étrangement ce n’est pas par l’excellence de la réalisation de Jonathan English qu’Iron Clad s’élève au rang de très bonne fresque historique. Confuse au possible pendant toutes les scènes de combats, une nouvelle fois les ravages de la shaky cam et d’un montage trop cut, elle se montre souvent incohérente dans ces choix de cadrages, plans très larges de scènes criant leurs manque de pognon et très serré quand il s’agit des combats, tandis que le montage, au travers de certains raccords, se montre lui même assez maladroit. Des erreurs rattrapées par une belle photo qui, souvent, par le billet de superbes images où l’on sent un chef op se faisant plaisir, retranscrit plutôt bien l’ambiance de l’époque, contrairement a ce que pouvait laisser penser le trailer diffusé il y a quelques mois, sans doute construit a partir de scènes non étalonnées. La force d’Iron Clad se trouve plutôt dans une histoire très bien écrite, pourvu d’excellents dialogues pour que l’on accroche rapidement aux différents enjeux, qu’il soit historiques, une lutte de pouvoir dépassant la simple bataille et lié au sort même de l’Angleterre, ou liés aux protagonistes, incarnés par un casting réellement béton. Dans les premiers rôles rien moins que Brian Cox, écrasant de charisme (comme d’hab’), Paul Giamatti, hallucinant en Roi Jean a demi fou, rongé par le sens du statut de souverain (sa scène de pétage de plomb est énorme) et James Purefoy, serrage de mâchoire de rigueur mais rôle intéressant, subtilement Howardien. Dans les seconds couteaux on retrouve Jason Flemyng, Vladimir Kulich, Derek Jacobi, Charles Dance et Mackenzie Crook. Inutile de dire que dans ces conditions, les rares représentants du sexe dit faible sont écrasées par les wagons de testostérones qui traverse le métrage. Dommage, car la love story entre la jolie Kate Mara et James Purefoy est bien amené, assez dilué dans le récit pour éviter basculement vers la barba papa hollywoodienne, mais sans lui éviter le statut de simple love interest. Iron Clad, malgré ces défauts, reste une œuvre très recommandable mais qui rate le coche du film barbare et épique de référence qui aurait pu être le sien.
Sélection Asiatique.
On peut pas dire que cette sélection ce soit montré a la hauteur des espérance. Je passe sur Ninja Robot Zarborgar (me suis barré au bout d’une demi heure) et sur Underwater Love, dont je ne sais toujours pas si c’est l’humour ou les scènes de danse qui m’ont rendu presque honteux d’être dans la salle, pour passer a deux bizarreries ; The Boxer’s Omen de Kuei Chih-Hung et House de Nobuhiko Obayashi. Spécialiste de déviance en tout genre dans le giron de la Shaw Bros, Kuei Chih-Hung porte a son actif une filmo presque toute entière dévouée au gros bis qui envoi du gras, au sein de laquelle on compte l’excellent Bamboo House of Dolls (peut être un des meilleurs films d’exploit’ du monde) et toute brochettes d’œuvres allant du bon (The Killer Constable et Corpse Mania, un Wu Xia Pian teigneux et nihiliste et un « Giallo » crapoteux a la sauce Shaw) au très dispensables (Big Brother Cheng et The Tea House, deux fleurons de la réaction pelliculé, ennuyeux comme un dimanche sous la pluie) au carrément pourrave (la série des Hex). The Boxer’s Omen appartient a cette dernière catégorie. Histoire navrante d’un boxer Thaï cherchant a se débarrasser d’une malédiction (d’où le titre), « l’œuvre » de Kuei n’est qu’un étalage de crapoteries en tout genre ; allant des simples scènes de cul, placées de façon aléatoires, a toute une série de péripéties concernant les rituels incantatoires, ou il est bon de bouffer des escargots pour les vomir manger le vomi pour le re-vomir, en passant par l’apparition de créatures infernales… de nullité et d’une bizarrerie toutes droit extraites d’un cerveau malade. L’intérêt d’une telle œuvre se situe principalement dans le festival quasi discontinu d’éléments relevant très souvent du pur sadisme, The Boxer’s Omen est globalement prolixe de détails bien dégueulasses, saupoudrés d’une pincé de misogynie, et pour le voyage qu’il propose au cœur du pays du Bis le plus bizarroïde.
House fut quand a lui très éprouvant. Situé en fin de festival, sa vision fut un calvaire, a peine interrompu par quelques rires nerveux et sa très belle facture visuel. Sorte de Manga « live » House se distingue par l’enchainement discontinu d’excentricités visuelles et peut se résumer a son simple pitch, une bande de tasspés hystériques se faisant trucider dans une maison hantée. Le film de Nobuhiko Obayashi n’est qu’une suite de scènes mettant en avant un contenu clairement surréaliste, ou toute les digressions graphiques sont envisageables. Sa particularité viens de sa tonalité enjoué, lumineuse, contrastant sévèrement avec d’autres films au postulat similaire. J’ai rien a en dire d’autres sinon que je me suis grave fait chier et que j’aurais, peut être, mieux apprécier en début de festival une œuvre aux parties pris aussi radicaux.
The Murderer, le nouveau métrage de Hong-jin Na, remarqué par le très (mais alors vraiment très) surestimé The Chaser. Prenant le contre pied de ce dernier par sa forme, Hong-jin Na échange une esthétique soigné contre une vision nettement plus rugueuse, et dans le fond, par le billet d’un propos social mis très en avant. Et effectivement le scénario est plutôt pas mal, mais je commence a avoir du mal avec toutes ces lenteurs, qui semblent êtres un passage obligé dans la narration… Du moins c’est ce que le réalisateur semble penser ! Il y a plein de trucs qui aurait semblé gagner en efficacité via un dégraissage de l’intrigue. Je ne suis vraiment pas convaincu que les divers aller retour du perso principal de son appart se posaient comme d’absolues nécessités, de même que la révélation du piège aurait pu tomber plus tôt, etc… De même je n’ai pas accroché à la dernière demi heure ou l’on voit le caïd provincial se transformer en Terminator en hachettes (se servent pas de flingues en Corée ?). Too much pour un film qui se veut réaliste et trop timoré en face d’œuvres plus « débridées » (huhuhu je l’ai faite). Le ton même du film, démonstrativement désespéré, fini par lasser et rend le tout très prévisible, sans compter que l’on de ressent jamais vraiment d’empathie pour le héros. The Murderer souffre d’un travail d’écriture des différents protagonistes allant au minimum syndical, se contentant de les définir uniquement par leurs conditions sociales et pas en tant que personnes. Après je comprend parfaitement que l’on puisse aimer, les scènes d’action sont pas mal, mais ce n’est clairement pas ma tasse de thé (ou plutôt de Soju huhuhu bis)! Hello Ghost de Young-Tak Kim voit un jeune homme poursuivit par des fantômes, après une tentative de suicide. Excédé par le comportement envahissant des revenants, il va devoir accomplir un vœu (par fantôme) afin de pouvoir s’en débarrasser et retrouver la douce quiétude de sa vie de dépressif suicidaire. Comédie intimiste douce amère sur la quête de soit, Hello Ghost souffre quelque peu d’un manque de rythme et d’une dynamique comique qui, couplé a une photo terne, le rende assez plat. C’est par l’écriture de ces personnages que Young-Tak Kim crée l’intérêt, sur les relation complexe que va nouer le héros avec ces fantômes et sur la découverte de son passé. Portrait touchant d’un solitaire qui va peux a peux, au fil des épreuves désignées par les fantômes, renouer avec la vie, Hello Ghost est une œuvre pleine de tendresse qui touche le cœur avant les zygomatiques. Rien de génial mais un chouette petit film !
Guilty of Romance de Sono Sion c’est lui largement démarqué du reste. Débutant par la découverte d’un meurtre violent autant que macabre (les morceaux d’un cadavres mélangés avec les bouts de mannequins) Guilty of Romance raconte l’histoire de l’émancipation d’une plantureuse jeune femme (fabuleuse Megumi Kagurazaka) de l’emprise de son mari, un gros con précieux adepte de la relation platonique, de sa rencontre avec une prostitué (la sulfureuse Makoto Togashi) qui va l’entrainer sur les voies de l’humiliation et de la dépravation. Construction en flash back, divisé en autant de chapitres, Guilty of Romance parle avant tout de la condition de la femme dans un Japon ultra misogyne et brosse le portrait d’un société ou les relations hommes-femmes sont vu sous l’angle de la bestialité, de la domination, de la soumission et de l’humiliation. Un Japon ou la simple quête du simple plaisir rencontre le vice le plus noir. Comme d’hab’ Sion adopte un rythme modéré, propice a la description minutieuse du parcourt de son héroïne et, a plus large échelle, d’une radioscopie d’une société phagocyté par l’hypocrisie, le mensonge et la frustration. Mise en place rigoureuse et tonalité tragi-comique, Guilty of Romance permet a Sono Sion, une fois de plus, de dresser l’état des lieux d’une société moderne hanté par ces vieux démons, un monde ou l’innocence – même dans ces élans nymphomaniaques Sion ne juge jamais son héroïne et prend constamment partie pour elle – fini broyé par la violence. Pour les plus érotomanes d’entre vous, sachez que jamais Sion ne fait l’économie du physique de la très graphique Megumi Kagurazaka et que son film est jalonné de scène de cul ma foi fortement décomplexées. LE film de cette sélection !
Sélection Vintage.
Le point fort de cette édition fût indiscutablement ces différentes rétrospectives (hommage a H.G. Lewis, la sélection Juste a Film ; une historique du cinéma Gore et la carte blanche d’Eli Roth) grâce auxquels ont vit défiler sur les écrans helvète le meilleur comme le pire ! Inutile de revenir sur les qualités des Yeux sans Visage de G. Franju, du Masque du Démon de M. Bava et de La Revanche de Frankenstein de T. Fisher (que j’ai déjà chroniqué ici), si ce n’est pour dire que leurs visions sur grands écrans, tout en entérinant leurs statuts d’œuvres majeurs, permit de profiter dans des conditions presque idéales de la flamboyance macabre, de la puissance baroque et poétique de ces insurpassables du genre. On pourra néanmoins regretter que La Revanche de Frankenstein est été diffusé dans de médiocres conditions, pas de copie 35 mm mais le DVD anglais diffusé par un projecteur souffrant d’évidents problèmes de définition. L’enquête mené par un flic conservateur dans une petite île dominé par d’ancienne croyance païennes n’en fini pas d’intriguer par le fascinant climat d’étrangeté, voir d’onirisme qu’il diffuse. The Wicker Man, projeté dans une excellente copie, garde intact toute sa force et sa singularité, grâce a un scénario béton et d’une réalisation aussi discrète que redoutablement efficace. De même l’Au Delà de Lucio Fulci, s’il a un peu vieillit, reste un modèle du genre. Parce qu’en dehors de ces scènes gore terriblement dégueux, l’Au Delà est un superbe film fantastique, habile mélange de divers thème du fantastique – maison hantée, démonologie et film de zombis – Il constitue l’apothéose de la collaboration entre Fulci, Darnado Sachetti (scénario), Fabio Frizzi (score superbe), Sergio Salvati (photo somptueuse), Gianetto De Rossi (sfx old school macabre et sanglant a souhait) et Fabrizio De Angelis (producteur). Une collaboration réussissant a transfigurer un simple produit d’exploit’, surfant sur les succès du moment (Shining, Suspiria), en incontournable du ciné fantastique transalpin. Un monument poétique et macabre à la gloire de la mort, gardant aujourd’hui encore toute sa funèbre puissance.
Moins essentiel mais très chouette fût la découverte de At Midnight I’ll Take Your Soul de José Mojica Marins, qui en est le réalisateur, l’acteur principal et le scénariste. Première apparition de cette figure emblématique de l’exploit’ qu’est Coffin Joe (ou Zé do Caixão en V.O.), At Midnight… suit le parcourt du Zé, gros salopard dont le seul but est la souffrance de son prochain, vers sa damnation finale. Un peu lent et tributaire d’une réalisation maladroite, At Midnight… tire sa force vénéneuse de son personnage principal, incarnation brute de tout ce que l’humanité peux compter de vilénie, de violence gratuite et de sadisme. Mise en scène minimaliste accompagnée d’une belle image et d’une atmosphère laissant la part belle a une imagerie folklorique macabre, At Midnight… laisse un goût assez particulier en bouche, celui d’une œuvre emplie de la colère transgressive de son auteur, et d’une volonté de s’affranchir des carcans des codes établis. Du coté des classiques Gore US 80’s, Basket Case et Toxic Avenger gardent haut la main leurs statuts de petits films cultes. Si Basket Case sonne comme une lettre d’intention du cinéma underground, provocateur et férocement indépendant d’Henenlotter, sa tonalité sérieuse, voir dramatique en font une exception dans l’histoire de sa filmo. On y retrouve déjà une fascination pour le monstrueux et la mutation, un goût pour la description des bas fonds urbains, hantés par ce que compte les sociétés modernes de laissés pour comptes, de clodos, de putes, de junkies et de paumés en tout genres, abîmés dans le cloaque d’une misère sans espoirs. Un portrait d’un monde sans lendemain qui devient le témoins aveugle de la vengeance d’un brave type et de son monstrueux jumeau, Bélial, envers ceux qui ont osés les séparer. La facture ultra fauché joue a mort en faveur de l’histoire, lui fournissant un décorum et une atmosphère glauque propice a l’élaboration d’une intrigue parfois rigolote, parfois émouvante et foncièrement noire.
Tourné dans un esprit similaire et partageant quelques points communs avec son voisin de palier, Toxic Avenger est lui entièrement tourné dans un esprit rigolard. Pathétique histoire d’un loser persécuté par les membres d’un club de bodybuilding devenant, suite a une chute dans un baril de produit toxique, un super héros d’un type assez particulier, aussi moche et baraqué que particulièrement violant dans l’exécution de la justice rendu. Avalanche de vulgarités en tout genre, Toxic revendique son budget cheapos et la vision ultra caricatural d’une East Coast blindé de yuppies détestables, de pétasses siliconées et de cailleras psychotiques, futur chair a pâté du Vengeur Toxic qui prendra un malin plaisir a leurs écraser la gueule avec son ballet brosse, leurs arracher les bras, bref les réduire en bouillis sous l’œil amusé et complice de Lloyd Kaufman, qui n’oublie jamais d’égratigner le culte vulgos du corps et de la gagne en vogue dans les 80’s.
Nettement plus premier degré, Gore Gore Girls fût un fascinant voyage au cœur de ce que les modes vestimentaires des 70’s comptait de plus hideux. Sans aucune véritable histoire, si ce n’est une vague enquête policière dont H.G. Lewis se cogne totalement, GGG vaut pour ces scènes gores aussi dégueux que mal foutu (sans même parler de leurs profondes conneries… une fessé mortelle, nan mais sérieux !), sa production design de folie, qui nous rappelle constamment que ce n’était pas forcément mieux avant : des papiers peints hallucinants, des banquettes aux motifs monstrueux, un incroyable panel de pulls, costards et chemises pelles a tartes a rendre aveugle un non voyant, et un défilé discontinu de boudins, rendues encore plus laides « grâce » au travail (ou son absence) sur l’image, d’une mocheté sans pareil. On évitera de parler du montage comptant un nombre terrifiant de faux raccords et d’une réal tellement besogneuse que le terme inexistante semble encore trop faible. Un gros foutage de gueule qui ne se cache jamais le cynisme total de la chose… Mais le pire restait a venir !
En provenance direct des gouffres sans fond de la nullité, des contrées arides et désolées du ballonnement gastrique filmé, des abîmes ténébreux de la ringardise, de l’enfer du Bis le plus autre et du cauchemar d’un dément dont l’esprit aurait sombré dans le néant le plus absolu – ou comme chacun sait, siège la folie du mal (et inversement) – nous a été envoyé un des plus ultimes nanars de tout les temps, j’ai nommé Pieces de Juan Piquer Simon, autrement appelé chez nous Le Sadique à la Tronçonneuse ! Difficile d’imaginer que ce film est seulement pu être pensé par un être humain digne de ce nom, même affligé de la plus épaisse des personnalité ! Comment décrire l’indescriptible, imaginer l’inimaginable, conceptualiser le néant, parler de l’innommable et assister a l’insoutenable ? Alignement de scènes plus débiles les unes que les autres, Pieces semble n’avoir été conçu que pour une chose ; annihiler le concept même de cinéma ! En une scène d’intro, Simon balaie d’un revers de la main toute idée de dramaturgie, de crédibilité, de direction d’acteurs et artistique, de montage, de.. de… de… tout en fait !
Démentiel salmigondis de tout ce que le Slasher compte de bas du front, de racoleur et de minable, Pieces étale avec générosité ces charmes douteux avec le sérieux d’un pape en pleine séance de vœux pour la paix dans le monde. Pas une scène n’est épargnée par le fléau du faux raccord, porté par JPS au rang d’orfèvrerie, et toutes portent le sceau de l’ânerie profonde du projet. Des scènes de couloir qui n’en finissent jamais (et souvent pour ne voir qu’une victime potentiel aller au chiotte), des jump scare de folie (l’attaque de l’héroïne par… un prof de karaté qui passait dans le coin), d’inavouables tentatives de « densifier » le suspense (tout ce qui concerne le perso joué par Paul Smith), la consternante direction des acteurs (Paul Smith, virtuose dans l’art subtile de rouler des yeux ou Christopher Georges, hilare tout du long et qui n’en a rien a branler), la chouette facilité qu’on les actrices a se désaper, des SFX miteux, un agencement de meurtres dépassant les limites du raisonnable (le tueur suit une victimes dans un ascenseur, cachant une tronçonneuse derrière le dos), un scénario pitoyable ne s’interdisant aucunes stupidités (les flics, trop cons pour résoudre cette difficile et mystérieuse affaire, demande a un étudiant de trouver le tueur), etc etc etc… La liste est vraiment longue, et mon dictionnaire des synonymes quasiment épuisé, pour répertorier le flot incessant des aberrations charriées par ce long fleuve minable… Vous l’aurais déjà compris, ce film est absolument génial et, comme l’a si bien expliqué Eli Roth lors de son hilarante présentation, une fois que vous aurez vu Pieces PLUS RIEN NE SERA JAMAIS COMME AVANT !!!
Hors donc voilà, c’est fini. On remballe le matos et on se retrouve l’année prochaine pour de nouvelles et, n’en doutons pas, folles aventures. Mais cette review ne serais pas complète sans mon habituel bise sur le cul a tout mes compadres de festoch, infatigables défricheurs de l’inconnu et amateurs de saveurs subtiles et exotiques, et a un mot sur le festival off, composé cette année de Navajo Joe, La Rançon de la Peur, King Kong vs Godzilla, Invasion of the Astro Monster, Demon of the Lute, The Boxer’s Omen, Shogun Ninja, Kamikaze Girls vs Yakuza et le fabuleux, l’immortel, le génial Strike Commando ! A plus les gros ^^
White Zombie
Réalisé en 1932 par Victor Halperin, produit en indépendant par lui même et son frère Edward, White Zombie eu l’insigne honneur d’être le premier film de zombie de l’histoire. Très loin des débordements sanguinaires qui marqueront le genre quelques décennies plus tard, Halperin emploie l’imagerie liée au folklore attaché au Vaudou et situe l’action de son film en Haïti ou se rendent Neil et Madeleine pour y voir Beaumont, un ami qui s’éprend de la jeune femme qui repousse aussitôt ces avances. Dépité, Beaumont se rend chez Legendre, un planteur jadis élève d’un bokor, qui reçoit la demande du jeune homme de transformer provisoirement Madeleine en zombie, de sorte que Neil, la croyant morte, retourne aux U.S.A. Legendre accepte mais avec de sombres arrières pensées, ayant lui aussi des vues sur Madeleine et sur les propriétés de Beaumont, qui sans le vouloir vient de mettre en marche des forces qui vont le détruire. Aujourd’hui encore, et malgré ces évidentes qualités, le métrage de Victor Halperin continue d’être pris pour un gros nanar ennuyeux a peine digne de figurer, si ce n’est pour des motifs purement historiques, aux cotés des grandes réussites du genre de l’âge d’or des 30’s.
Sans posséder l’évidence de ces contemporains, le réalisateur modeste qu’est Halperin se montre souvent habile dans ces choix de mise en scènes et distille dès l’arrivé du couple sur l’île une ambiance prenante de menace, notamment pendant la première rencontre du couple avec Legendre (Bela Lugosi), a la croisée d’un carrefour, immobile, fixant Madeleine d’un regard sans équivoque. Accompagnant cette scène d’un effet en fondu enchainé du regard de Lugosi sur la calèche, idée reprise par Coppola pour son Dracula, Halperin construit de manière adroite une ambiance lugubre sur une imagerie fantastique en totale résonance avec un sous texte fortement sexué (pour l’époque) qui sera la marque de White Zombie. A l’instar de The Black Cat (1934) d’Edgar G. Ulmer, la motivation des personnages est centrée autour de la possession d’un femme, victime de l’irrépressible désir qu’elle suscite, transportant le film d’Halperin dans un climat diffus de perversion. Pur film d’atmosphère, White Zombie tire sa force des choix esthétiques d’Halperin dans son illustration du scénario, somme toute très classique de Garnett Weston, et de son habile utilisation des décors récupérés sur Dracula ou Frankenstein. Après une introduction classique des personnages principaux, le film « décolle » pendant la visite de l’étrange sucrerie de Legendre, se servant de zombies comme « masse ouvrière » pour le fonctionnement de son usine. Halperin décrit le broyeur de canne a sucre, un mécanisme a deux étages actionné a sa base par des malheureux condamnés a faire tourner le broyeur jusqu’à la mort et alimenté par d’autres zombies qui jettent la canne dans l’énorme entonnoir qui se trouve au second étage. Beaumont assiste a la chute d’un des porteurs dans l’entonnoir; sans un cri de sa part, il sera broyé par les pals de l’hélice actionnés par les zombies, qui continuent inlassablement de faire tourner le mécanisme de l’engin. Si le hors champs a son importance dans cette scène, l’utilisation du son ou de la photo y sont primordiales. Rythmé par le sourd et lancinant grincements de l’engin, unique présence sonore, cette scène littéralement infernal est éclairé par un superbe clair obscur qui en renforce l’atmosphère ténébreuse et oppressante. Autres passages marquant sont celui ou Beaumont prend conscience de l’erreur tragique de sa démarche en voyant Madeleine zombifiée jouer mécaniquement, sans âme, sur un piano, ou celui ou il est lui même transformé en zombie sous le regard amusé du sadique qu’est Legendre.
Les décors, très caractéristiques du gothique américain de l’époque, participe de l’onirisme ambiant. L’immense maison délabré et rempli d’ombres qu’habite Legendre n’est en rien « réaliste » ou crédible, mais une construction graphique métaphorique de la personnalité de son propriétaire. Le schéma narratif se conforme avec les codes de l’époque, happy end compris, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir une allégorie d’un capitalisme anthropophage dont le but final serait moins le fric que la volonté de pouvoir et de domination de l’autre. L’interprétation de Lugosi va dans ce sens, il incarne un être unidimensionnel dans sa malveillance, avec toute la pelleté de grimace et de rictus dont il avait le secret, uniquement motivé par l’assouvissement de sa méchanceté par l’emprise totale qu’il exerce sur ces victimes. On notera que les Halperin Bros réalisèrent Nation Aflame en 1937 – l’adaptation d’une nouvelle de Richard Dixon, auteur raciste de The Clansman, roman à la base de Naissance d’une Nation – que je n’ai pas eu l’occasion de voir mais qui, selon plusieurs commentaires piochés sur la toile, tout en étant une adaptation fidèle aux écrits de Dixon en inverse le propos pour en faire une œuvre anti-raciste dénonçant la corruption des membres des milices d’extrêmes droites, ce qui semblerais valider pour White Zombie l’idée d’un fantastique poétique aux résonances sociales discrètes mais bien réelles, ce dont se souviendra John Gilling en réalisant quelques décennies plus tard l’Invasion des Morts Vivants pour le compte de la Hammer, qui par l’emprunt de nombreux thèmes en constitue un quasi-remake. Si aujourd’hui le look des zombies et le jeu savoureusement outrancier de Lugosi peuvent prêter a sourire, White Zombie conserve le charme authentique de la naïveté des films de cette époque et reste une des œuvres fantastiques importante des 30’s. Une petite perle pour toutes personnes cherchant dans le ciné fantastique cette poétique de l’image qui semble avoir aujourd’hui complètement disparu.
le Cid
El Cid
d’Anthony Mann. USA/Angleterre/Italie. 1961.
Vision romanesque de la vie pleine de combats, de passions et de fureur de Rodrigo Diaz de Bivare, Le Cid s’impose toujours aujourd’hui comme un des plus grands films épiques jamais réalisé. Fasciné par l’Espagne et ces somptueux paysages, c’est Anthony Mann qui soumit le projet d’un film épique s’y déroulant a Samuel Bronston, producteur spécialisé dans la production king size (Le Roi des rois, La chute de l’empire romain, les 55 jours de Pékin et heu… Fort Saganne), qui accepta de financer le faramineux projet. Situé au XIe siècle, en pleine guerre opposant chrétiens et maures, Mann expose très rapidement les différents axes qui serviront de leviers narratif; amitié du Cid avec les rois maures, relation conflictuel avec la royauté espagnole, menace des hordes du terrible Ben Youssouf et les amours contrariés avec la belle Chimène. Ce qu’il y a d’admirable chez Mann c’est l’économie de scènes qu’il utilise a l’introduction de ces thématiques, une présentant Ben Youssouf et deux autres El Cid, ce qu’il est – le pur représentant d’un esprit chevaleresque dans toute sa noblesse – et ce qu’il est appelé a devenir – un espoir pour les peuples d’Espagne devant la barbarie d’un obscurantisme médiéval. Si la fonction christique du Cid évoqué par le billet du symbolisme du chemin de croix (littéralement) demeure présente, cette image n’est finalement destiné qu’a accentué la solitude d’un homme emporté par le souffle de l’histoire vers son destin, emprisonné dans son rôle de leader, au détriment de sa passion pour Chimène. Un destin qu’il porte comme le fardeau d’une croix percé de flèches, présage de son avenir et de sa fin.
Film mélancolique au romantisme flamboyant, Le Cid est l’œuvre d’un Anthony Mann au sommet de son art, de sa maitrise du cadre et d’une narration visuelle époustouflante, délivrant toute une série de tableaux d’une puissance évocatrice sans pareil, magnifiant un Charlton Heston suintant de noblesse, d’abnégation, de courage, une Sophia Loren sublime en Chimène torturée entre sa pulsion vengeresse et son amour constamment contrarié par les évènements. Mais au delà de l’antagonisme/attirance de Cid et Chimène, cœur même du récit, Le Cid est blindé de « seconds » rôles qui auraient chacun mérités un long métrage; les infants au relations conflictuelles et troubles, le roi maure Moutamin défiant la haine séculaire hérité de siècle de conflits (superbe Douglas Wilmer) ou le comte Ordonez, traitre puis allié du Cid par amour pour Chimène (superbe Ralf Vallone). Des personnages complexes typique du cinéma d’Anthony Mann, déchirés par de nombreux conflits intérieurs, au service d’un récit puissant porté par le lyrisme du score MONSTRUEUX de Miklos Rozna, illuminé par la photo de Milton Krasker dont la patine supra-classieuse enveloppe d’un écrin chatoyant de magnifiques décors. Une œuvre gigantesque qui culmine avec une scène finale grandiose, ou l’homme transcende sa propre mort, devient une idée et rejoint l’histoire, la légende. Bref ce film est une grosse merde, ne l’achetez pas et préférez lui 300 (un vrai flim de mecs qui en ont une vraie paire solidement riveté dans le calcif).